Après avoir conquis la terre et le reste de l’univers, l’idée de l’immortalité a tout naturellement émergé de l’esprit de l’homme moderne pour qui ce serait l’apogée d’une très ancienne histoire de puissance et de domination. Enfin sa grande supériorité serait complète, l’apothéose. Cependant, malgré de nombreuses recherches et études, nous ne sommes pas encore parvenus à vaincre le fléau du temps qui passe. Même ces majestueux arbres millénaires, à l’instar du grand Baobab africain qui arrive à vivre près de 3000 ans, n’y échappent pas : leurs cellules finiront quand même par vieillir et s’épuiser pour enfin disparaître. La vie est éphémère, cela semble immuable. L’immortalité est alors, à l’heure actuelle, un concept bien chimérique.
Pourtant, cela ne paraît pas aussi vrai pour cette espèce de méduse, originaire de la mer des Caraïbes, pour qui la jeunesse et la sénescence s’alternent de manière indéfinie. En fait, cette petite créature mesurant quatre centimètres tout au plus possède la remarquable particularité de renouveler toutes les cellules de son organisme pour revenir au stade juvénile, en l’occurrence celui de polype, après avoir atteint l’âge de maturité et s’être reproduit. Il est vrai que ce phénomène n’est pas si étranger à l’organisme humain mais nous ne rajeunissons pas comme elles, nos cellules ne font que se réparer alors que le processus de vieillissement ne s’interrompt pas. Le Turritopsis Nutricula ne va donc pas mourir de vieillesse comme c’est le cas pour tous les autres êtres vivants. Dans les conditions favorables, il peut vivre pour l’éternité parce qu’il est parvenu à contourner l’incontournable.
Ce phénomène désigné sous le nom Transdiférenciation a rendu célèbre le méduse qui, jusqu’en 1996, était resté loin de la scène scientifique, considéré alors trop primitif donc trop éloigné de l’espèce humaine. Des chercheurs ont été par hasard témoins de la métamorphose inversée de ce méduse alors méconnu : un étudiant ayant oublié sur sa table de travail un méduse adulte pendant un week-end y a trouvé un polype en revenant. Juste avant cet événement, ce n’était qu’un méduse parmi tant d’autres consœurs qui d’ailleurs pouvaient elles aussi revenir en arrière mais seulement très jeunes à peine libérées dans le plancton. Une fois adultes, plus de retour en arrière, contrairement au fameux Turritopsis Nutricula. Aujourd’hui après maintes observations et études, il est connu comme le seul être vivant immortel de la planète. Par un procédé biologique et complexe, il arrive à tromper le plus redoutable ennemi de tout ce qui respire.
En outre, comme l’explique le chercheur Thomas Bosh de l’Université de Kiel en Allemagne, et beaucoup d’autres scientifiques qui prennent le terme immortalité avec des pincettes. il ne faut pas trop se méprendre sur le terme immortalité. L’utiliser sans prendre le temps d’ajouter « biologique » serait une parfaite hérésie dans la mesure où tous les êtres vivants sont vulnérables. Notre héros « pendulaire de l’âge » peut très bien succomber à des maladies ou à toute autre intervention destructrice de la nature, notamment celle de prédateurs. Une « immortalité virtuelle » préfèrent dire certains qui expliquent d’emblée qu’elle ne rend pas invincible. D’ailleurs, la transdifférenciation se réalise dans des situations environnementales bien déterminées ; la saison chaude avril-mai à octobre avec les quantités optimales de nourriture.
Depuis, plus d’une vingtaine d’années, le milieu scientifique s’intéresse de plus en plus au méduse qui comme le pensent certains serait une lueur d’espoir qui permettrait d’aboutir au plus ancien rêve de l’humanité. Les études se multiplient et l’espérance ne cesse de croître. Toutefois, si l’être humain est séduit par l’idée de rester jeune coûte que coûte, celle de redevenir un œuf ou un tout petit enfant après avoir acquis sa maturité ne le tente pas du tout. L’idée est plutôt de trouver un moyen de « stopper » la jeunesse, c’est-à-dire, parvenir à déjouer les répresseurs naturels qui bloquent la fonctionnalité d’une cellule pour finir par la rendre inactive. Donc, toutes ses sécrétions et protéines qui caractérisent la fleur de l’âge ne seraient plus interrompues, les hormones ne cessant jamais de fonctionner. Si on est pas encore parvenu à cerner ce processus, de sérieuses études ont été entreprises et beaucoup d’investissement ont été faits pour apprivoiser le génome du méduse en vue de la production de crème rajeunissante contenant l’ADN du Turritopsis Nutricula.
Sommes-nous encore prêts pour l’immortalité ? Nous nous posons certainement tous cette question et c’est la principale peur du chercheur et spécialiste japonais Shin Kubota qui soutient que le cœur des êtres humains n’y est pas encore préparé. Même s’il est persuadé que la science arrivera à percer le mystère du Turritopsis Nutricula, il espère néanmoins que ce ne sera pas de sitôt « Nous sommes intelligents et civilisés, mais nos cœurs sont primitifs » explique-t-il. Les hommes doivent d’abord, selon lui, apprendre à vivre en harmonie avec les autres et avec la nature. Malgré tout ce débat autour de cette éventuelle immortalité, il n’en demeure pas moins que nous soyons encore à l’ère de l’éphémère où le temps est compté. Parviendrons-nous à un jour, comme le pense Shin Kubota à réaliser ce rêve vieux comme le monde ou restera-t-il à jamais une pure utopie ?
Laveaux L. Djoudelka
Sources
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Turritopsis_nutricula
https://www.letemps.ch/sciences/deux-lecons-rajeunissement-leternelle-meduse-turritopsis
https://www.lesaviezvous.net/sciences/biologie/turritopsis-nutricula-le-seul-etre-vivant-immortel-de-la-planete.html#:~:text=La%20Turritopsis%20Nutricula%20est%20une,termes%20retour%20%C3%A0%20la%20jeunesse